rétropédalage

Vous, je sais pas, mais moi, quand j'entends un journaliste ou un politique parler de rétropédalage, ou l'écrire, je m'esclaffe.

Il est vrai que quand on est plus souvent dans une voiture avec chauffeur que dans le métro, on a des compétences archi-limitées question bicyclette.

Mettons d'emblée les choses au point: le rétropédalage peut être pris dans trois sens. Mais pour savoir ça, il vaut mieux ne pas avoir la cervelle en fromage blanc.

De fait, c'est assez compliqué. Le rétropédalage veut, originellement, dire pédaler en arrière, à l'envers. Et cela, suivant la façon dont la roue arrière est équipée, peut produire trois effets différents.

Premier cas: le pignon fixe. C'est ce qui équipe (équipait?) les vélos pour petits enfants (vous savez? ceux avec les petites roues sur les côtés pour pas que cette grosse buse de feignasse de môme se casse la gueule quand il arrête de pédaler, je me demande quels tarés finis ont bien pu me pondre une telle erreur de la nature). C'est ce qui équipe aussi les vélos des bikers acrobates, encore une mode venue des State$. Sans oublier les monocycles des artistes de cirque ou de rue. (Si vous vous demandez pourquoi, imaginez un monocycle avec un pignon  "roue libre"... la rigolade!) Dans ce cas-là, celui du pignon fixe, on fait marche arrière.

Deuxième cas: le freinage par rétropédalage. C'est un dispositif courant aux Pays-Bas. Dans ce cas, il suffit de peser à l'envers sur les pédales pour serrer LE frein, car c'est bien souvent le seul qui équipe les bicyclettes hollandaises. Quand on est, comme moi, habitué à la roue libre, on se répand en gros mots extrêmement malveillants à l'égard du vaillant peuple batave, qui n'en mérite pas tant. J'adore les Pays-Bas -je les ai même parcourus ... à vélo- et leurs habitantes aussi (mais sans vélo). Et, à y bien réfléchir, c'est loin d'être couillon, le frein en rétro-pédalant, c'est un frein dans le moyeu, bien à l'abri de la pluie, quand nos freins à mâchoires sur les jantes à nouz'autres-gros-nuls-de-francets deviennent inopérants et dangereux par temps humide. C'est ce que j'ai eu un mal de chien à faire valoir à ma mère, quand il s'est agi d'acheter mon premier cyclo, un 103 pigeot. Il y en avait deux modèles, de 103. Celui avec un frein nul à chier et l'autre. Quelques francs de différence. C'est l'argument qu'elle a invoqué. Argument invalide, d'une part parce qu'on était à l'aise financièrement, mais aussi parce qu'on n'est pas à cinq balles près quand on est une mère aussi AIMANTE qu'elle, pour la sécurité de son fils préféré, à ce qu'elle dit. Vous toutes, les mères passées, présentes et à venir, jamais au grand jamais vous ne lui arriverez à la cheville. Ah ouais? En réalité, la vraie raison, c'est qu'il y avait, sur le garde-boue arrière, un macaron proclamant que la vitesse maximale du bas de gamme était limitée à 35 km/h. Grosso modo, elle voulait signifier par-là, qu'elle voulait me brider, m'empêcher, me freiner. Et même, mauvaise foi suprême, que si j'étais limité à 35, des freins plus sûrs, pour quoi faire? Hein?

Mais le fond-fond-fond de l'affaire, c'est que ma mam' n'a jamais été fichue d'avoir son permis de conduire. Pourtant, y'a pas besoin d'avoir le QI d'Einstein (ou de Leonhard Euler, ou d'autres génies), pour le passer, le permis. Regardez: vous. Le code, oui. Fastoche. Suffit d'avaler son "Rousseau" tel un mainate, et dieu si c'est con, un mainate! Mais côté mécanique... Un embrayage? Kékeuçé, un nambréyaje? A koikeuçaserre, un hambraillache? A caler. Et pour ça, elle est championne du monde. Elle devrait être au Guinness des records. C'est simple, elle avoue sept échecs. Faux. Il y en a huit, j'ai re-compté. Menteuse, en plus! Plus aucune auto-école ne voulait d'elle, elle cassait les voitures. Elle a essayé sur une deux-chevaux à embrayage centrifuge -elle ne calle jamais, comme l'oncle ben'- et elle l'a quand même loupé. Elle ressent comme une injustice de ne pas avoir eu le droit de le passer sur une automatique, parce qu'il faut justifier d'un handicap physique. De là à ce qu'elle s'auto-ampute de la jambe droite... Je suis sûr qu'elle y a pensé. En tous cas, merci les inspecteurs, au nom de l'humanité; j'ai craint qu'elle ne vous eûsse à l'usure.

Continuons avec la mob'. J'ai fini par l'avoir, la mob'. Moyennant une promesse, vous allez voir qu'elle a été archi-facile à tenir: que je la lui prête dès qu'elle me le demanderait, parce que la meule, elle aussi, comme sa grande sœur deudeuche, elle a un embrayage centrifuge. OK! Un samedi matin, elle l'a prise, pour aller aux commissions avec mes petites sœurs, juchées sur leurs mini-vélos pliants. L'ennui, c'est qu'en sortant de la maison, il y a un raidillon pas piqué des hannetons. Mais vous allez me dire, bande d'innocents-les-mains-pleines-que-vous-êtes, avec un moteur, y'a pas d'lézard, encore plus avec un embrayage centrifuge, pfût! le démarrage en côte!

Je vous adore.

D'accord, ça cale pas, mais il y a quand même un hic, un petit coup d'accélération à donner pour éviter les à-coups. Le plus crétin des imbéciles pige tout de suite, pas ma mère. La mob' partait en avant, ma mère en arrière, du coup elle remettait la poignée des gaz à zède, y'avait pus qu'à recommencer, et ainsi de suite... C'était assez croquignole à les regarder, mes petites sœurs consternées et ma mam' dans les hoquets. Moi j'en réprimais, des hoquets, mais c'était de rire. Merci pigeot, j'étais vengé. Au retour, ce fut plus drôle encore. Elle engueulait mes petites sœurs comme du poisson pourri, elles regardaient, honteuses et au bord des larmes le bout de leurs petits souliers: "mais qu'est-ce c'est que ces folles! Pouvez pas attendre vot' mère, casse-cou, dangers publics, dégénérées, marricides! Vous vouliez me laisser claquer au bord la route, c'est ça, hein? Hein? Vous faisiez rien qu'à me dépasser..."

Et voilà. J'avais mon 103 à moi tout seul. Et vous savez quoi, en plus? Le modèle bas-de-gamme, le limité à 35, avec son frein de merde, il n'y avait aucun dispositif pour le brider. Vous croyez que je l'avais pas vu? Mais si j'avais voulu expliquer ça à ma mam', chez le marchand, elle m'aurait traité de menteur et dit que je la prenais pour une conne... Devant témoin, en public! Des compliments, tu m'en as fait, pourtant, quand je n'étais pas là, et pour qu'on pense que si j'étais si bourré de qualités, cela ne pouvait provenir que du fait que c'étaient les tiennes, héréditairement transmises, les qualités. Et pour celles que j'ai et pas toi, j'ai d'avance la réponse: j'ai les "défauts de mes qualités". Merci pour tout, manman.

 

Troisième cas de rétropédalage.

C'est un système très astucieux, permettant d'avoir deux vitesses sur un vélo, une normale et une démultipliée, SANS dérailleur.

Regardez bien.

 

Les deux pignons sont montés "roue libre", un dispositif à cliquet bien pratique quand ça descend ou que simplement on "va sur son erre", comme on dit dans la marine. Si on pédale en avant, le pédalier entraîne le petit pignon: grande vitesse. Suivez bien le parcours de la chaîne: quand elle passe sur le grand pignon, celui-ci fonctionne "en roue libre".

Maintenant, on pédale à l'envers: la chaîne entraîne alors le grand pignon: vitesse démultipliée. Et le petit pignon tourne à l'envers, donc en "roue libre". CQFD; Quod erat demonstrandum; Ce Qu'Il Fallait Démontrer.

Et quand on ne pédale pas? Les deux pignons sont en "roue libre". Peinard, Bernard.

Mon père a vu ça il y a bien longtemps. Forcément bien longtemps, puisqu'aucun fabricant de vélos ne produit plus de telles machines depuis belle lurette. Il n'en subsiste que dans des collections particulières. C'est le pasteur de son patelin qui en avait un, de vélo à rétropédalage; même qu'il trouvait ça archi-poilant, mon papa, quand, dès le bas de la pente pour aller à son temple, il se mettait à pédaler à l'envers, le saint homme.

 

Ce qui fait , avec tout ça, que quand quelqu'un dit de ses adversaires qu'il sont "les rois du rétropédalage" -en notant au passage l'allusion subliminale aux "rois de la pédale", c'est fin et distingué, ça se fait beaucoup à l'UMP-, cela peut signifier

  • qu'ils font volte-face, retournent leur veste, disent le contraire de ce qu'ils prônaient la veille (ce qui en dit long sur leur constance et leur finesse d'analyse), voire qu'ils régressent,
  • qu'ils freinent, et par là retardent et retardent le progrès qu'incarne le parti actuellement aux manettes (et lui seul le mérite),
  • ou qu'ils font ce qu'il faut pour mieux surmonter l'obstacle. Mais là, ça m'étonnerait.

 Est-ce que François trouduc Fillon sait ça?

 

Je ne pédale pas pour le PS, mais je trouve qu'en face, ils ont des têtes de noeud. Moi aussi je connais des mots plus gros que moi, et je n'ai pas besoin de chercher des expressions qui se veulent percutantes. Percuter n'est pas convaincre, c'est avouer, inconsciemment, sa faiblesse en tout, son ignorance. Et d'elles, personne ne peut plus douter.

 

 Byzoux, les zouzoux.

 

Tonton Marc

 



15/11/2011
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