Tibet

Vous, je sais pas, mais, moi, j'ai toujours du mal a gober/accepter ce qui fait l'objet du consensus. Je dois être anormal...

Pourtant, je ne suis pas le seul. Il y a peu, j'ai cherché sur le Web à en savoir plus sur un auteur chinois, Ma Jian. J'ai lu de lui un recueil de nouvelles, intitulé "La mendiante de Shigatze". Je n'en suis pas sorti tout-à-fait entier. Ses histoires sont sûrement romancées, un peu insistantes sur la gravité du sous-développement du Tibet. On dira (et on a dit) que, étant chinois, il ne fait que répéter la propagande officielle. C'est faux, voir plus bas. On l'a même taxé de racisme, ça ne mange pas de pain.

La thèse, officielle, elle aussi, de notre idyllique Occident, c'est que les vilains chinois ont envahi le Tibet et l'occupent, à la manière des vilains nazis pendant la dernière (j'espère!) guerre. Du coup, il faut encenser le dalaï-lama, seul représentant légal du peuple tibétain (?identité ethnique); celui-ci étant un exemple de peuple martyre. Comme nous et quelques autres en 1940-45. Et comme pas mal d'autres, à ce qui me semble. Disons les algériens, par exemple.

Qu'avaient-ils donc à nous reprocher, les Algériens, puisqu'on leur apportait la civilisation. Il faut même que dans les manuels d'histoire cela soit mentionné. C'est vrai qu'ils étaient sous-dèv', les Algériens. C'est vrai que quelques Saint-Simoniens utopistes et pleins de bonne volonté, brillants ingénieurs, sont partis la bouche en coeur apporter les bienfaits du progrès. Il est vrai également qu'ils n'ont pas été aidés du fait que l'armée a insisté pour les accompagner et les protéger. S'ils allaient civiliser, il ne fallait pas oublier qu'ils se trouveraient au milieu de populations, de peuplades semi-sauvages, peut-être anthropophages, tout ça, bref, a priori hostiles.

Au Tibet, c'est pareil. Mettons-nous à la place des Chinois. Ils n'envahissent pas; ils apportent des bienfaits. Et des bienfaits réels. A leurs yeux, et aux miens aussi, les Tibétains "de base" , soit 90% de la population, sont exploités par les 10% restants. Ces 10%, ce sont les lamas, dont le "chef", c'est le Dalaï lama. Un gentil. Il peut, depuis le temps qu'il n'a pas mis les pieds chez lui. Et que partout on lui déroule le tapis rouge, on lui paie l'avion, l'hôtel, la bouffe. Un coq en pâte. Eh bien, comme ses potes "avant", c'est un exploiteur. Il exploite notre crédulité. Sans le faire exprès. Après tout, si ça nous fait plaisir... N'empêche que les Chinois ont "envahi" ce qui est une province de leur pays, ce qu'ils revendiquent depuis longtemps. Rappelons que la Savoie, qui, aux yeux de tous aujourd'hui, est indubitablement une province de not' beau-pays-la-France, n'a été rattachée qu'il y a, somme toute, peu de temps. Et que de Gaulle parlait en convaincu de la France "de Lille (son pays natal) à Tamanrasset (qui ne l'était pas)". Voilà pour le côté géopolitique.

 Ils ont trouvé sur place un peuple sous le joug d'un clergé omnipotent, qui possède tous les droits, et qui n'est pas composé que de clones du Dalaï lama. On y trouve plus facilement des sosies de nos moines ripailleurs, obscènes, paresseux et jouisseurs, qui ont beaucoup plus fait pour la Révolution Française de 1789 que Saint-Vincent-de-Paul pour les galériens, et il était une exception. Le Tibet était une province où régnait une misère inimaginable: une espérance de vie proche de rien, une mortalité infantile à faire frémir, l'analphabétisme poussé à l'extrême, puisqu'il favorise toujours et partout la classe dominante, une médecine traditionnelle parfaitement inopérante parce que faite par des charlatans. L'ennui est que nous autres occidentaux nous aveuglons en imaginant que tout le monde là-bas vit cent ans et se soigne par la méditation. Qui n'a pas entendu parler de saddhus qui, tout nus, affrontent la neige et la font fondre par la seule force de leur pensée? Le tout en se contentant d'une demi-poignée de riz par jour. Du riz? Au Tibet? S'il y en a, c'est de l'importé. Le riz ne pousse pas dans des régions aussi pauvres et inhospitalières.

Le bouddhisme tibétain -renseignez-vous, ignares que vous êtes- est un bouddhisme cruel. Il a fleuri dans ces régions déshéritées, ainsi qu'en Mongolie, qui, dans le genre pas glop!, est assez sympa aussi (bande de touristes!). A croire que pour tenir le coup dans ces coins-là, il faut un mépris total de l'humain et de la vie. C'est bien possible. Il faut savoir que quelques-unes de leurs statues (des chefs d'oeuvre en bronze poli, j'ai pu en voir au musée Guimet) représentent un bouddah portant un collier de crânes humains et il fornique assidûment avec sa parèdre (sa shakti). Et qu'il convient, si possible, de se servir comme unique couvert, d'un bol fait d'une calotte crânienne humaine (pas celle du Yéti) authentique. Le chic du chic! Histoire de dire: voyez, nous sommes si peu de choses.

Il va sans dire que dans cet idyllique tableau, le sort fait aux femmes est plus qu'épouvantable. La première nouvelle du livre de Ma Jian évoque le sort d'une pauvre fille vendue à un célibataire, et qui "servait" aux tâches domestiques, mais aussi de jouet sexuel au frère et au père. A ce régime-là, elle n'a pas fait long feu. Comme, d'une, il n'y a pas de bois à gaspiller dans un bûcher funéraire, de l'autre, il est exclu de creuser une tombe dans un caillou archi-dur (surtout avec le peu d'outils que leur technologie tout juste post-âge de pierre leur fournit), on offre les cadavres en pâture aux vautours                                             , non sans l'avoir démembré, le cadavre, et lui avoir broyé les os, parce que, si l'on est peu amène avec les filles, les vautours, on les bichonne. La moelle des os, c'est miam-miam! Quoi de plus écolo... Après avoir copieusement casse-croûté non loin de la pierre (un genre d'autel en forme de dolmen) du sacrifice, on retourne parmi les autres. Et on va au marché s'acheter une nouvelle femme.

Voilà ce que Ma Jian a trouvé au Tibet. Mais, demanderez-vous, qu'allait-il faire dans cette galère? Il n'y était pas de son propre chef. C'est le pouvoir qui l'avait envoyé là-bas, parce qu'il avait émis quelques critiques à son endroit. On ne peut donc pas le soupçonner de complaisance à l'égard des autorités chinoises. Ni de racisme, même si la description qu'il donne du Tibet qu'il connaît bien semble caricaturale.

Je ne fait pas l'apologie de la Chine: impérialiste , colonialiste, elle l'est. Et ce n'est pas par pure compassion qu'elle s'installe au Tibet, qui regorge de richesses que les Tibétains n'exploitent pas. Non parce que leur respect de la création le leur interdit, mais parce que leur marasme, leur archaïsme, leur considérable retard les en empêche. Mais les Chinois, eux, sont à même de le faire. Certes, la plus grande partie de l'électricité hydraulique va alimenter l'économie de l'Empire du Milieu, tout comme les ressources minières, loin d'être négligeables. Peut-on le leur reprocher? L'Occident ne s'est-il jamais comporté ainsi? Et en pire! Bien pire. Et se comporte toujours ainsi, la sur-exploitation des autochtones et des immigrés qu'on y attire ne s'appelle plus esclavage, mais c'est tout comme, encore qu'on ait souvent eu plus de considération pour les esclaves que pour les forçats qui extraient l'or de la Guyane, l'uranium du Niger, le cuivre du Chili (rappelons la tragédie des mineurs qui ont passé pas loin de deux mois dans leurs galeries, après un éboulement). On se défausse en mettant en avant les écoles et les hôpitaux qu'on leur construit, non! qu'on leur fait construire. On n'est jamais si bien servi que par soi-même. Aide-toi, le ciel t'aidera. Au boulot, feignant.

Alors, avant de donner un prix Nobel de la Paix à quelqu'un qu'on considère comme le seul représentant légal d'une nation décrétée et définie par l'ONU, sur des bases définies et décrétées par elle, largement idéologiques, donc discutables, ce serait sympa de réfléchir, au moins de se renseigner, damned!.

Et puis, comment émettre un jugement lucide quand toute notre perception de l'extrême-orient mystérieux est faite de clichés, d'idées reçues et toutes faites, auxquelles on tient d'autant plus fermement qu'elles sont fausses? Non, ces "gens-là" n'ont pas de super-pouvoirs. Pas plus qu'une spiritualité que notre matérialisme forcené aurait fait perdre. Non, ils ne sont pas plus écolo' que les écolos occidentaux. Non, ils ne sont pas dépositaires d'un savoir ancestral, d'une sagesse, d'une sérénité oubliés. Et quand nous les trouvons "zen", ce n'est que le signe de notre totale ignorance en matière de philosophies "exotiques" dont nous sommes si friands. Nous faisons preuve d'une mentalité magique, nous qui nous trouvons si pragmatiques. Pour le plus grand profit du marketing, prompt à nous vendre des livres, pour la plupart complètement bidons, véhiculant des concepts erronés et si ridicules qu'ils auraient donné des fous-rires aux artistes de la grotte de Lascaux, bien plus évolués. Et des médecines dites "naturelles". Comment ne pas être convaincu, rien qu'à lire leurs noms à la con, pour faire plus exotique, de l'incroyable efficacité des médecines genre "ayur-védique" et apparentées? On vous vendra des "essences" plus naturelles-qu'elles-tu-meurs, plus bio, plus+, plus++. Quelle crédulité de gogos, de pigeons... Mais des pigeons méchants et susceptibles dès qu'on met en doute ce dont ils sont tellement certains, tellement persuadés.

 Merci pour vos commentaires.

Oncle Marc 



06/09/2011
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